A quelques jours de la mise en ligne du site www.les-gypsys.com "45 tours de rock français" a pu interviewer deux membres des Gypsys, Jean-Pierre Hipken (bassiste et chanteur) et Jacky Pujol (lead guitar et chant).
Olimai : Comment Les Gypsys se sont-ils retrouvés à enregistrer un disque sur un petit label hollandais, en l'occurence Relax ?
Jacky: Merci tout d'abord de porter autant d'attention à ce groupe des Gypsys, je vais me faire un plaisir de répondre à vos questions, et remercier Jean-pierre, qui est à l'initiative de la création du site www.les-gypsys.com . Je me présente donc, je m'appelle Jacky Pujol, j'ai 60 ans je suis a la retraite depuis peu, toujours fan de musique. J 'ai perdu un peu la main, mais je gratouille toujours un peu la guitare, d'ailleurs pour mon départ en retraite, je me suis fait un petit cadeau, une Gipson Lespaul, et un petit Ampli Marshall. En réalité je suis le plus ancien des Gypsys car c'est moi qui ai réuni les premiers musiciens dans les années 62,63, on accompagnait un chanteur du coté d'Orly.
Jean-Pierre : Hé bien , nous ne sommes pas allés voir Iramac Relax, ce sont eux qui sont venus à nous ! En effet, nous étions en concert en première partie de Mungo Jerry , et Yves Claoué le compositeur de musiques de films (mélodie en sous-sol etc...) est venu nous voir nous disant qu'il était interessé par notre groupe , et qu'il nous cherchait depuis un moment , le bouche à oreille ayant fait le reste. Il nous a informés qu'il recherchait de nouveaux talents français pour l'antenne française d'Iramac Relax située à Boulogne Billancourt . Il nous a demandé si nous composions en français , ce que nous faisions ! Notre prestation de ce soir là , lui a plu. il est revenu plus tard écouter nos compositions dans notre salle de répétition à Malakoff. Les choses ont alors été très vite: nous avons signé sans hésiter car les maisons de disques à cette époque boycottaient totalement les groupes français, on peut dire meme qu'ils les méprisaient: tout ce qui n'était pas anglais ou américain n'avait aucun interêt à leurs yeux ! Alors que le rock français existait déja , et ne demandait qu'à éclore !
Jacky : Ca s'est passé un soir dans un gala pour une grande école Parisienne, on jouait en première partie de Mungo Jerry, les représentants d'Iramax Relax étaient venus écouter et voir cet artiste et, a àla fin de la représentation, ils sont venus nous voir pour nous avouer qu'ils avaient été plus impressionnés par nous que par Mungo. De là ils nous ont proposé de s'occuper plus ou moins de nous, à commencer par une maquette de disque.
Olimai : Comment le disque a t'il été promotionné, vendu à l'époque ? Via quels réseaux ?
Jean-Pierre : La promotion du disque a été une vraie catastrophe. Lors de l'enregistrement dans les studios de Loulou Gasté, enregistrement qui s'est fait à vitesse grand V, ce dernier a écouté nos titres et a proposé de nous faire la distribution et la promotion. Monsieur Saymama, alors directeur d'Iramac Relax France, nous a aussitôt dissuadés d'accepter, nous promettant monts et merveilles pour le lancement du disque. En verité rien n'a été fait et la seule promotion faite a été celle que nous avons fait nous-mêmes ! Ce qui fait à mon avis le côté completement confidentiel de ce disque qui aurait mérité mieux...
Jacky : Une grosse partie des promotions ont été faites par nous: visite de tous les disquaires de nos villes, téléphone aux radios de l'époque, utilisation des quelques relations que nous avions dans le métier. Il faut dire que la maison de disque n'a pas fait grand-chose au niveau promotion. Ils ont payé le studio d'enregistrement (chez Loulou Gastet, Mari de Line Renaud), les affiches de l'époque, pour le reste nous nous sommes débrouillés seuls. C'est dommage car je crois que le disque aurait du se vendre beaucoup plus !
Olimai : Le 45t est aujourd'hui l'un des plus recherchés par les amateurs des 60's, ça vous fait quoi ?
Jean-Pierre : Le fait que notre 45 tours soit un des plus recherchés à l'heure actuelle me donne deux sentiments : L'un positif et l'autre négatif. Le premier, cela fait plaisir que des amateurs des Gypsys cherchent encore aujourd'hui à trouver notre disque, cela veut dire qu'il n'est pas si mauvais que ça ! (J'ai vu cette semaine qu'un exemplaire s'est vendu sur le net à 200 euros ). Le deuxième sentiment pose la question suivante : ce disque est-il recherché parce qu'il est bon, ou parce qu'il est rare? Voilà une question que l'on peut se poser ! Seulement 500 exemplaires parus ! Alors qu'il aurait bien sûr pu se vendre beaucoup plus à mon avis...
Jacky : Plaisir bien sûr... il aurait fallu que cette situation se produise à l'époque !
Olimai : Sur quelle période s'est étalée la carrière du groupe ? Combien de concerts au total et dans quels pays ? Avec quels groupes les Gypsys se sont-ils produits ?
Jacky : Je suis le premier à avoir quitté le groupe, alors le nombre de concerts est difficile à évaluer... Entre 1962 et 1965, on jouait pratiquement tous les week-ends, plus quelques soirées privées la semaine. Nous sommes restés en France, nous avons joué avec pas mal de groupes, dans les mêmes galas que Pretty Things, Polnareff, Halliday, Daniel Guichard, nous avons même accompagné un moment Vince Taylor et Dany Boy ! Nous avons même joué une fois dans le Nord avec un dénommé Jimmy Hendrix qui à l'époque n'était pas encore très connu.
Jean-Pierre : Le groupe Les Gypsys s'est produit de mai 1966 à mai 1968, le manque d'essence a fait stopper la plupart des groupes à cette époque. Nous faisions plus de 150 concerts par an , en comptant que pour la période estivale les concerts etaient plus fréquents. Nous avons participé à des premières parties de vedettes les plus diverses telles que, entre autres, les Pretty Things, Michel Polnareff, Les Sunlights, Vince Taylor, Dany boy (que nous avons accompagnés), Le grand Johnny Halliday, deux fois, au Plessis-Robinson et à Cahors, Les Shamrock (Cadillac ), Mungo Jerry, Jeff Beck avec Rod Stewart à supelec, Moustic le roi de la Bastille, plus un tas d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit pour l'instant. Nous n'avons tournés qu'en France, le rock français ne s'exportait pas à cette époque .
Olimai : Le son des Gypsys ? Quelles étaient vos influences à l'époque ?
Jacky : Nous avons eu plusieurs influences. Au début c'était plutôt Hendrix, et quelques groupes anglais pas connus. Nous avons eu aussi une période vocale (Beatles). Mais nous avions aussi notre style avec des compositions comme sur le disque.
Jean-Pierre : Le son des Gypsys , c'était de toute évidence l'infuence du rock le plus hard. Mais le vrai son qui sortait des baffles, le son Gypsys c'est sans hésitation Jacky Pujol qui l'apportait, car la rythmique de Jacky c'était déjà de la percussion ! Serge c'était de la virtuosité dans son jeu, un des guitaristes les plus efficaces et les plus rapides dans l'exécution des chorus !
Olimai : 40 ans plus tard quel regard avez-vous aujourd'hui sur la fin des 60's ? Que pensez-vous du paysage "rock" actuel ?
Jacky : Beaucoup de nostalgie pour la fin des années 60, et actuellement rien ne me fait chavirer, je suis resté Clapton, Chuck Berry, et tout ce qui est ROCK traditionnel. Et bien sur le Blues.
Jean-Pierre : Les Sixties sont les plus belles années que la musique rock ait connue, non pas parce que nous étions jeunes et beaux, mais parce qu'il y avait tout à inventer, tout à decouvrir ! Il y a de très bons groupes aujourd'hui, et puis le matériel a terriblement évolué ! Je regrette malgré tout que le rock pur et dur ait un peu perdu de sa fraicheur. Les musiciens se sont améliorés techniquement mais il leur manque un peu de folie, celle que notre génération avait !
Olimai : Comment est née l'idée du site "Gypsys", qui se cache derrière et quelles en sont les motivations ?
Jacky : C'est Jean-pierre. Ses motivations... il faut lui demander, mais je crois qu'il y a un peu de nostalgie, et un manque quelque part, car nous sommes passés tout près.
Jean-Pierre : L'idée du site me trottait dans la tête depuis longtemps, et les quarantes ans des Gypsys étaient le moment idéal pour marquer le coup! J'en ai parlé à jacky qui a plongé tout de suite avec moi, et puis les forums comme le votre où l'on trouve des fans des Gypsys nous ont confortés dans l'idée de faire le site, reparler des quatres copains, Jacky, Serge, Gérard et moi. Même si les amitiés ont parfois pris plus de rides que nous, ce site est le moyen de réveiller des souvenirs merveilleux.
Olimai : Les disques de chevet des Gypsys ce serait quoi ?
Jacky : Les bon vieux morceaux de rock et de blues des pionniers.
Jean-Pierre : Mes disques de chevet seraient encore les Beatles , Vanilla Fudge , et tous les purs du rock : Eddy Cochran, Elvis, et toute la clique !!!
Olimai : Serge Doudou est connu aussi pour sa carrière post-Gypsys (avec Quo Vadis, Rock'n'Roller, en solo..) quels ont été les parcours des autres membres ?
Jacky : Après ma vie Gypsys j'ai repris mon métier (soudure). En 1982 sur un chantier dans le nord, un mec vient me voir et me dit : " - toi je t'ai vu à une certaine époque et tu étais musico ! " Incroyable ! 20 ans après une personne me reconnaît suite à une soirée au Golf Drouot ! On parle puis il me dit : "- viens un soir nous voir en répèt'! " en fin de compte il faisait partie d'un groupe du coin, un ancien "Bourgeois de Calais", groupe qui marchait fort à une certaine époque. Je suis allé à une répèt', puis deux, puis trois, puis je me suis retrouvé embringué à racheter du matos, mais le gros blème c'est qu'à cette époque j'étais marié et père de famille... et ma femme voyait tout ça d'un mauvais oeil... Mais j'ai rejoué, même quelques concerts ! Ensuite le chantier a fini et il a fallu que je quitte ce groupe. Avec un peu d'amertume... mais c'est comme ca ! J'ai quand même gardé mon matos et depuis je m'en suis même racheté !
Jean-Pierre : Après Les Gypsys j'ai monté un groupe rock avec deux musiciens amateurs de très bon niveau , Christian Schiassi à la batterie et Michel Sebaoun à la guitare. Le groupe s'appelait Three. Nous avons joué ensemble jusqu'en septembre 1970, ensuite Serge cherchait un groupe et nous l'avons pris avec nous. Serge a eu l'idée du nom Quo vadis, et le groupe a pris ce nouveau nom. Ensuite Christian et Michel ne pouvaient plus continuer car la musique demande beaucoup d'investissement. Nous avons donc fait appel à un clavier, Lionnel Elfassi, à l'un des meilleurs batteurs français Jean-loup Besson, ex Gypsys de la periode mars à mai 1968, et un autre guitariste, Robert Duval. Tout cela sous le nom de Quo Vadis. Cette formation ne tint que quelques mois. Ensuite nous décidâmes de jouer en trio. Serge, Jean-paul Mercier à la batterie (ex Heavy Moonshine) et moi basse et chant. Cela dura jusqu'a fin août 1971. Nous avions fait la tournée de RMC en première partie de Kiss. J'ai arrété la musique fin août 1971
Olimai : Au niveau matériel, sur quels types d'instruments (marque etc..) jouaient les Gypsys ?
Jacky : Pour les grattes nous avions Fender Strato et Télécaster. Les amplis... il y avait Fender en Basse, Ampeg en solo, et moi j'avais un vieil ampli à lampes; un orgamon je crois, qui faisait 100 watts. Le batteur jouait sur Ludwig et nous avions une sono Dynacor, complète, avec chambre d'éco et tout le fourbi. Voilà, je crois avoir été complet, il me reste beaucoup plus de souvenirs, mais il me faudrait écrire un livre sur le groupe car il reste pas mal d'histoires cocasses à raconter sur cette période idyllique.
Jean-Pierre : Notre matériel était assez etheroclite: Guitares Strato Fender, Telecaster Fender. Basse violon Echo. Batterie Ludwig. Amplis Fender, Guild. Sono Dynacor. Le matériel a évolué par la suite avec amplis Marshall et sono MI (musique industrie ).
Jacky : Ce fut un plaisir. Peut-être à un de ces jours ! Juste une petite anecdote avant de finir : J'habitais à l'époque à Vitry sur Seine, en région parisienne, et un jeune venait souvent dans ma cité jouer de la gratte. Un jour je l'ai amené a une répèt' des Gypsys. Il était très impressionné par la qualité du groupe à l'époque... Et qui c'était ce petit mec ? Tout simplement Laurent Voulzy. Comme quoi... la vie !?